Etat des lieux du décret tertiaire : où en est-on 2 ans après les premières déclarations 2022 ?
Le décret tertiaire, aussi appelé dispositif éco énergie tertiaire, instauré par la loi ELAN en 2019, impose aux bâtiments du secteur tertiaire de plus de 1 000 m² une réduction progressive de leur consommation énergétique. Son objectif principal est d'atteindre une baisse de 40 % d'ici 2030, 50 % d'ici 2040, et 60 % d'ici 2050.
Nous avons récemment échangé avec un ingénieur de l’ADEME, responsable de la plateforme OPERAT, afin de faire le point sur le dispositif deux ans après son entrée en vigueur opérationnelle. En voici un résumé.
Propos recueillis par Jérémie JEAN & Marion DUBOIS
Etat d'avancement des objectifs du décret tertiaire
>> Où en est-on deux ans après les premières déclarations de 2022 sur OPERAT ?
Une mobilisation significative a eu lieu se manifestant par le nombre d’assujettis qui font leurs déclarations sur la plateforme OPERAT.
A ce jour, selon les indicateurs observés de surface, de consommation, de nombre de déclarations, nous atteignons un taux de remplissage d’environ 60%, ce qui est important puisque cela représente environ 600 millions de m² déclarés sur OPERAT sur un objectif de 1 milliard de m² concernés d’après la Direction de l’Habitat, de l’Urbanisme et des Paysages (DHUP).
Ceci fournit des données intéressantes sur le parc tertiaire, sa caractérisation, l’évolution des consommations…
Bien que ce ne soit pas encore au niveau attendu, l’état des lieux est plutôt positif par rapport à une obligation déclarative qui n’existait pas il y a encore 2 ans."
>> Avez-vous des retours de l'appropriation des assujettis ?
"Sur le terrain, l’appropriation du décret tertiaire s’améliore bien que cela demande un effort important. En effet, certaines notions demeurent complexes notamment en ce qui concerne la déclinaison des diverses sous-catégories d’activités concernées qui ne sont pas encore totalement acquises.
Le seul objectif est que tous ceux qui doivent déclarer effectuent leur déclaration et se conforment aux objectifs de réduction de consommation d’énergie à atteindre.
Sur OPERAT, nous continuons d’œuvrer pour tenir compte des retours utilisateurs et ainsi faire en sorte que les déclarations puissent se faire dans les meilleures conditions possibles.
Même si tout n’est pas parfait, on remarque une progression sur la plateforme OPERAT, notamment avec des déclarations effectuées de plus en plus tôt. Lors des 2 premières années d’échéances, un effet de dernière minute très marqué était observé, la plupart des déclarations étant réalisées sur les deux dernières semaines de septembre.
En 2024, cependant, plus de la moitié des déclarations ont été soumises avant septembre. Cette évolution indique que les assujettis commencent à installer une routine, ce qui est plutôt bon signe."
>> Quels secteurs du tertiaire sont les plus avancés et lesquels rencontrent le plus de difficultés ?
"Il n’y a pas encore eu d’analyse détaillée à ce jour sur le sujet cependant le niveau d’engagement entre le secteur public et le secteur privé semble être du même ordre. Des analyses sectorielles complémentaires seront menées à l’avenir."
>> Comment le décret tertiaire s'adapte-t-il par rapport aux objectifs nationaux de réduction des émissions de CO² ?
"Il est intéressant de constater que des initiatives individuelles sont mises en place aussi bien dans le privé que dans le parc public avec par exemple des collectivités qui entreprennent des actions sur leur patrimoine en raison de l’application du décret tertiaire telles que des audits ou des travaux de rénovation.
De plus, il est encourageant de remarquer que certains secteurs, tels que celui de la logistique, commencent à se structurer à une échelle plus large.
En mars 2024, plusieurs fédérations ont signé une charte de principes communs pour la relation propriétaire/locataire. Cette charte vise à définir les responsabilités et les coûts associés aux actions d’économie d’énergie requises par le dispositif Eco Energie Tertiaire dans les bâtiments logistiques."
>> Comment se fait la répartition des rôles entre propriétaires et preneur à bail ?
"La réglementation vise à impliquer à la fois le propriétaire et le preneur à bail dans les objectifs de réduction de consommation, afin d’éviter un jeu de responsabilité si ces objectifs ne sont pas atteints.
Il est essentiel d’établir une coordination pour clarifier le rôle de chacun. Etant donné que nous sommes encore au début de l’application de cette réglementation, une phase de répartition des responsabilités est encore nécessaire pour que chaque partie s’adapte."
Conséquences en cas de non conformité
>> Quelles sont les initiatives mises en oeuvre pour sensibiliser sur le décret tertiaire ?
"Des actions ont été instaurées pour le secteur public notamment la création d’un réseau relais du dispositif Eco Energie Tertiaire, incluant par exemples des services déconcentrés, des conseillers en énergie partagée et des économes de flux pour répondre localement aux demandes.
Pour le secteur privé, une première action massive a été réalisée en mai 2024 par le Ministère. Plusieurs centaines de milliers de courriers ont été envoyés aux assujettis pour les sensibiliser au décret tertiaire et rappeler l’obligation de déclaration. Cela a conduit à une augmentation significative des déclarations, permettant de rattraper en partie celles qui n’avaient pas encore été faites. Par ailleurs, des campagnes plus ciblées sont actuellement à l’étude."
>> Comment vont être mises en oeuvre les sanctions annoncées en cas de non respect des objectifs du décret tertiaire ?
"La ligne directrice du Ministère est de réaliser des premiers contrôles plutôt avec pédagogie et bienveillance afin de tenir compte du caractère nouveau de l’obligation déclarative.
Mais ce qui aura certainement le plus d’impact sera via la production à venir des attestations annuelles et la note Eco Energie Tertiaire. Cette notation pourrait avoir un impact sur les négociations immobilières ce qui engendrerait des conséquences significatives sur le terrain.
Les premières attestations vont factualiser l’effort à fournir. Au-delà de faire ses déclarations, il est essentiel de tirer profit de ce qui est déclaré sur OPERAT, un benchmark permettra ainsi à l'assujetti de se situer à une échelle plus large. OPERAT permettra d’aider les assujettis à challenger et valoriser leur excellence en termes de consommation énergétique."
>> Quels conseils donneriez vous aux personnes qui n'ont pas encore réalisés leurs déclarations OPERAT ?
"Il n’est jamais trop tard pour effectuer ses déclarations !
Il est essentiel de garder à l’esprit que depuis la mise en place du décret tertiaire, la plateforme OPERAT ne comporte pas de blocage pour les retardataires.
Cependant, à l’avenir, les rattrapages des déclarations annuelles les plus anciennes nécessiteront de passer par un parcours spécifique qui sera plus contraignant."
Perspectives futures du décret tertiaire
>> Y a-t-il une communication prévue sur le dossier technique de modulations qui doit être déposé avant 2027 ?
"Oui, une communication va être faite sur le sujet courant 2025. A ce jour, le contenu attendu de ces dossiers techniques de modulation n’est pas très détaillé, il va être précisé."
>> En parallèle de la transition énergétique, la sobriété hybride est également un enjeu majeur, est-ce qu'il est prévu à terme de remonter les consommations d'eau sur OPERAT ?
"Non, pas pour l’instant. Il est constaté sur OPERAT que les assujettis se concentrent sur les éléments obligatoires. Tout ce qui est facultatif n’est que très peu complété, notamment le sous-comptage par type d’énergie.
Lorsque l’appropriation sera acquise, il pourra être étudié de proposer de déclarer de données complémentaires à ceux qui le souhaitent, notamment les consommations d’eau."
Deux ans après sa mise en place, le décret tertiaire a amorcé une dynamique positive au sein du secteur immobilier, avec une prise de conscience accrue des enjeux énergétiques. Bien que des progrès notables aient été réalisés dans les déclarations et la compréhension des obligations, des efforts supplémentaires restent nécessaires pour garantir la conformité et atteindre les objectifs de réduction de consommation d'énergie. La coordination entre propriétaires et locataires, ainsi que la sensibilisation continue des acteurs concernés, seront essentielles pour optimiser l'impact du dispositif et favoriser une transition énergétique efficace.
Prêt à atteindre les objectifs du décret tertiaire ?
EGREEN vous accompagne de A à Z sur le volet énergétique.
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