La transparence des données énergétiques lors de la transaction immobilière dans le secteur tertiaire.
Nous avons récemment échangé avec Paul Touzalin, notaire associé au sein de Seineo Notaires.
Lors de cet entretien, nous avons pu faire le point sur la transparence des données énergétiques lors de la transaction immobilière dans le secteur tertiaire ainsi que l’évolution des missions d’un notaire depuis l’entrée en vigueur du décret tertiaire.
Propos recueillis par Jérémie JEAN & Marion DUBOIS
Transaction immobilière et décret tertiaire
>> Pouvez-vous nous rappeler le rôle du notaire dans les transactions immobilières, et plus particulièrement dans le secteur tertiaire ?
"Le rôle du notaire est de rédiger et d’instrumenter l’acte de vente.
Dans le cadre d’une transaction immobilière concernant des actifs tertiaires s’ajoutent généralement des éléments tels que la Data Room et la Due Diligence en raison de la complexité de ces actifs.
La Data Room rassemble tous les documents et informations relatifs à l’actif mis en vente.
La Due Diligence est une phrase d’investigation approfondie réalisée par l’acquéreur pendant une période d’exclusivité avant de finaliser son offre. Elle permet notamment d’apprécier toute la documentation et de récolter des avertissements/conseils sur tous les aspects du bien dont les performances énergétiques."
>> Est-ce que le Décret Eco-Energie Tertiaire (DEET), depuis son entrée en vigueur en 2022, est pris en considération dans les transactions immobilières ?
"Le Décret Tertiaire est un élément à considérer lors de transactions immobilières. En effet, il peut être intégré dans les négociations ; si les déclarations n’ont pas été réalisées ou si la performance énergétique de l’actif est très éloignée des objectifs du DEET, cela peut avoir une influence sur le prix de vente.
Le Décret Tertiaire est aussi pris en considération dans la rédaction des baux notamment en ce qui concerne la répartition des charges liées aux travaux. Dans ce contexte, il est conseillé d’établir un protocole clair dès le départ afin de définir précisément qui est responsable du paiement de tel ou tel type de travaux. Cela permet de sécuriser les relations entre bailleur et preneur, en évitant des potentiels litiges liés aux dépenses de travaux pour répondre aux exigences du décret tertiaire.
Il est à noter que la répartition des travaux est clairement identifiée par la loi : disposant que généralement tout ce qui se rattache aux travaux d’envergure sont pris en charge par le bailleur."
Mise en conformité d'un bâtiment tertiaire
>> Qu’est ce que la mise en conformité implique aujourd’hui sur les ventes ?
"En investissant en amont sur la bonne réalisation des obligations du DEET, les déclarations OPERAT, ainsi que les travaux de mise aux normes énergétiques et réglementaires, le vendeur augmente non seulement l’attrait de son bien sur le marché, mais il en améliore aussi la liquidité. Cela signifie également qu’il sera plus facile de trouver un locataire pour occuper le bien.
Par ailleurs, un local aux normes facilite la négociation avec le futur acquéreur en lui offrant des garanties de conformité légale et d’efficacité énergétique. Cette anticipation réduit les risques de blocage du processus de vente."
>> Lorsqu’un vendeur cède un bâtiment tertiaire, est ce que la mise en conformité du décret tertiaire et la déclaration OPERAT est obligatoire ?
"Elle n’est pas obligatoire mais fortement conseillée, eu égard aux sujets évoqués précédemment."
>> Est-ce que la mise en conformité du décret tertiaire et la déclaration OPERAT a une influence sur le prix de vente ?
"La performance énergétique est un sujet au cœur de notre métier aujourd’hui et notre obligation d’information en tant que conseil induit d’attirer l’attention de nos clients sur les conséquences d’une performance énergétique mauvaise.
Si aucune déclaration OPERAT n’a été réalisée et si la performance énergétique du bâtiment est loin des objectifs du DEET, il pourrait tout à fait y avoir une négociation sur le prix de vente dans la mesure où cela impact négativement le projet de l’acquéreur."
>> Avez-vous déjà estimé l’impact sur le prix de vente ?
"Il est difficile de donner une estimation, cela se traite au cas par cas, mais on pourrait penser à une influence sur le prix de vente comprise au moins entre 1 et 5%."
>> En tant que notaire, comment assurez-vous que le vendeur se conforme à cette obligation lors d'une vente ? Est-ce un point que vous vérifiez systématiquement ?
"Oui, dans le cadre de la due-diligence nous demandons systématiquement si un audit énergétique a été réalisé et si les déclarations OPERAT ont été faites."
>> En cas de non-transmission des informations ou d’inexactitudes dans les données transmises, quelles sont les voies de recours possibles pour l'acheteur ?
"Le sujet est très récent, il y a donc très peu voire aucune jurisprudence sur le sujet. Cependant si l’acheteur découvre une fausse déclaration ou des informations erronées, il pourrait tout à fait invoquer un préjudice pouvant entraîner le paiement de dommages et intérêts."
Rôle du notaire
>> Quel est le rôle d'un notaire en matière de transparence énergétique lors d'une transaction immobilière ?
"Premièrement, le rôle du notaire va consister à rassembler et vérifier l'ensemble des documents nécessaires (déclarations OPERAT, audit énergétique…).
Un notaire n’a pas forcément les compétences nécessaires pour vérifier tous les aspects énergétiques d’un bien immobilier mais il peut toutefois apprécier le contenu de ces documents au regard de la due-diligence juridique (il peut, par exemple, vérifier la surface déclarée sur la déclaration OPERAT par rapport aux autorisations d’urbanisme présentes en data-room).
En second lieu, le notaire a un devoir d’information auprès de son client qui va se matérialiser essentiellement par le fait d’attirer son attention sur la situation de l’actif au regard de la performance énergétique et les conséquences de celle-ci.
Au-delà de l’étude de pièces et du devoir d’information, je pense que le notaire a aujourd’hui un rôle de conseil en matière de performance énergétique et plus largement d’environnement. Nous avons la chance de nous positionner au cœur des transactions immobilières, la notaire devrait donc à mon sens se positionner auprès de ses clients comme un incitateur à l’amélioration de la performance énergétique et à ce titre la liquidité de l’actif est un solide argument."
>> Comment cette mission a-t-elle évolué avec les nouvelles réglementations, comme le décret tertiaire ?
"L’entrée en vigueur du décret tertiaire ainsi que l'évolution de la législation oblige à se spécialiser et à se former en continu. Face à l’évolution des réglementations, le notaire se doit donc d’étoffer sa « boîte à outils » car l’aspect performance énergétique est récent et ne constituait pas un point d’attention de nos audits il y a encore quelques années.
Je pense qu’il faut pour autant voir cela comme une opportunité de valoriser notre profession et de contribuer à l’amélioration de la performance énergétique du parc tertiaire français.
C’est notamment l'une des raisons pour lesquelles nous avons choisi une labellisation RSE de notre Étude, afin de répondre aux enjeux environnementaux de nos clients."
Expérience
>> Pour les vendeurs qui ne sont pas conformes, conseillez vous de faire passer un audit énergétique afin d’estimer le montant d’éventuel travaux d’amélioration énergétique ?
"Oui, tout à fait, conseiller un client de se mettre en phase avec le décret tertiaire et de se renseigner sur les travaux de mise en conformité énergétique permettra d’anticiper les éventuelles renégociation ou blocage d’une transaction."
>> Pouvez-vous partager un cas concret où le respect ou la non-conformité aux obligations énergétiques a influencé le processus de transaction ?
"Oui, récemment sur un entrepôt intégrant une partie commerciale et une partie entrepôt concernée par le DEET, aucune déclaration n’avait été réalisée.
Côté acheteur, le sujet a été soulevé lors de la due-diligence et est revenu sur la table lors de la renégociation entre la LOI et l’offre ferme.
En effet, mon client investisseur, en prévision de la mise en location, a dû intégrer la réalisation de travaux d’amélioration de la performance énergétique dans son bilan et cela influait évidemment sur le prix offert."
>> Avez-vous des recommandations pour aider les propriétaires et les acheteurs à mieux comprendre et gérer les obligations liées à la performance énergétique des bâtiments tertiaires ?
"Il est essentiel de se faire bien accompagner.
J’ai vu certains dossiers tertiaires dernièrement, où rien n’avait été fait. Pour beaucoup de propriétaires, cela ne semble pas être une priorité et je suis assez surpris par cette tendance (que l’on retrouve davantage dans des structures patrimoniales familiales que chez les institutionnels).
Pour autant, les Asset Manager n’ont pas toujours conscience de l’impact que peut avoir la performance énergétique sur la valeur et la vente de leurs actifs.
A mon sens, Il est donc primordial d’anticiper ce sujet et de ne pas attendre la vente pour penser à la conformité au DEET et plus largement à la performance énergétique. Il existe un lien significatif entre la rénovation énergétique et la liquidité des actifs et si ces questions ne sont pas anticipées, cela peut avoir un impact négatif sur le processus de vente."
Deux ans après son entrée en vigueur, le décret tertiaire a insufflé une dynamique positive dans le secteur immobilier, renforçant la prise de conscience autour des enjeux énergétiques.
Se conformer au décret tertiaire est devenu un impératif pour les propriétaires d'actifs immobilier. En effet, un bâtiment non conforme pourrait non seulement entraîner des sanctions, mais également impacter négativement sa valeur sur le marché. En cas de vente, l'absence de mise en conformité pourrait contraindre le vendeur à négocier à la baisse, réduisant ainsi le prix du bien.
Prêt à atteindre les objectifs du décret tertiaire ?
EGREEN vous accompagne de A à Z sur le volet énergétique.
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