Financer l’immobilier tertiaire durable
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- il y a 4 jours
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Financements verts, réglementations et valeur verte : comment le Crédit coopératif accompagne la transition énergétique du secteur de l’immobilier ?
Interview du Crédit Coopératif

Nous avons récemment échangé avec Valérie VITTON, Directrice de clientèles entreprises, ESS et secteur public au Crédit Coopératif. Elle est notamment revenue sur la notion de financements verts et comment les banques accompagnent la transition énergétique du secteur de l’immobilier.
Voici un résumé de nos échanges :
Propos recueillis par Marion DUBOIS
Crédit Coopératif, acteur de la transition énergétique
>> Qu’est-ce qui différencie le Crédit Coopératif d’une banque classique ?
Le Crédit Coopératif se distingue avant tout par son modèle coopératif : la banque appartient à ses clients-sociétaires qui participent à sa gouvernance et orientent ses choix stratégiques.
Le Crédit Coopératif est engagée dans l'économie sociale et solidaire et plus largement auprès des entreprises dans une logique de soutien durable pour leur développement, notre banque développe depuis toujours une politique environnementale ambitieuse.
Notre bilan carbone Scope 3 est quatre fois inférieur à la moyenne des banques françaises et six fois moins élevés que la banque la moins vertueuse. Cette performance s’explique notamment par :
nos choix de financement
une politique d’exclure l’extraction des énergies fossiles
Alors que d’autres banques ont récemment amorcé leur transition, le Crédit Coopératif s’appuie sur un modèle et des convictions coopératives et environnementales historiquement construites.
>> Comment définiriez-vous le rôle de votre banque en tant qu’acteur de la transition énergétique et plus largement écologique ?
Le Crédit Coopératif agit comme un accompagnateur de progrès.
L’objectif n’est pas de financer uniquement des acteurs déjà exemplaires, mais aussi d'aider les clients à avancer depuis leur propre situation et de les aider à s’améliorer sur l'ensemble des critères ESG.
Concrètement, notre banque propose non seulement des financements classiques, mais aussi un accompagnement élargi pour les aider à trouver des solutions et sécuriser leurs projets : diagnostic énergétique, bilan carbone, accompagnement par un bureau d’étude pour prioriser les chantiers ou encore recherche de subventions.
Pour cela, le Crédit Coopératif s’appuie sur un réseau fiable de partenaires, testés et recommandés permettant aux clients d’y voir plus clair dans un environnement complexe où les offres sont nombreuses et inégales en qualité.
Cet accompagnement global répond à une forte attente des clients et s’inscrit dans une offre complète que notre banque continue de développer.
>> Quels indicateurs suivez-vous pour évaluer votre impact ?
Sur le volet immobiliers , 2 principaux indicateurs sont suivis :
Le Scope 3 (méthode développée par Carbone 4) : les émissions de CO2 calculées en Tonnes Equivalent CO2 (Teq CO2) de nos financements,
La trajectoire NZBA (Net-Zero Banking Alliance) : basée notamment sur les diagnostics énergétiques des biens immobiliers financés.
La part des financement verts dans la production annuelle est également suivie.
Notre plan stratégique 2030 a pour objectifs :
Pour les personnes morales : passer de 15 à 35% de financements verts
Pour les particuliers : passer de 5% à 30%.
>> Pourquoi est-il essentiel pour une entreprise de suivre ses indicateurs ESG et sa consommation d’énergie dans le cadre de son développement financier ?
C’est essentiel pour deux raisons principales : la réglementation et les attentes croissantes des clients.
D’un côté, les obligations réglementaires deviennent de plus en plus exigeantes : il est nécessaire de contribuer aux enjeux climatiques.
De l’autre, les clients, ceux qui confient leur argent aux banques, sont de plus en plus attentifs à ces sujets.
Selon une étude d’OpinionWay (2021) :
76% des français se disent sensibles aux placements à impact environnemental
65% jugent important que leurs conseillers rendent des comptes sur l’usage de leur argent
Le suivi des critères ESG n’est pas seulement une obligation, c’est aussi un enjeu commercial pour répondre aux attentes croissantes des clients.
Performance énergétique & accompagnement des clients
>> Le Crédit Coopératif aide-t-il ses clients à anticiper les évolutions réglementaires comme le Décret Tertiaire ou les obligations issues de la taxonomie européenne ?
Oui, nous accompagnons activement nos clients (notamment dans les secteurs de la santé, du logement social, de l’enseignement, de l’aménagement ou du commerce) dans la compréhension et l’anticipation des évolutions réglementaires.
Historiquement, notre modèle repose sur une relation étroite avec nos clients. Les fédérations représentatives de nos clients nous permettent de suivre les évolutions réglementaires et donc d’aider nos clients à être informés pour répondre aux réglementations.
L’accompagnement passe notamment par un dialogue ESG à chaque demande de crédit. Ce dialogue a plusieurs objectifs :
Enrichir la connaissance client sur les enjeux ESG
Identifier les risques et impacts liés à l’environnement, au social et à la gouvernance
Détecter des besoins d’accompagnement : travaux énergétiques, mobilité électrique, énergie renouvelable...
>> Quelles offres proposez-vous pour accompagner la rénovation énergétique dans les bâtiments tertiaires ?
D’une part, nous mettons à disposition des placements verts fléchés, destinés aux clients qui disposent de trésorerie et souhaitent investir de manière responsable.
D’autre part, nous proposons une large gamme de financements dédiés, comme par ex. :
Location longue durée de véhicules électriques
Financement de panneaux solaires
Travaux d’isolation ou de rénovation énergétique
Crédit moyen et long terme adaptés aux projets immobiliers
Nous avons également lancé en 2021 un prêt à impact. Le client s’engage sur 1 à 3 indicateurs ESG. Si les objectifs sont atteints, le taux de crédit est revu à la baisse. C’est un dispositif apprécié et il peut être valorisé dans la communication extra-financière d’une entreprise.
>> La performance énergétique d’un bâtiment tertiaire influence-t-elle aujourd’hui vos décisions de financement ?
Oui, de plus en plus.
Lorsque les diagnostics énergétiques sont très mauvais, nous savons qu’un bien risque de perdre de la valeur, voire de devenir non utilisable dans certains cas.
A l’inverse, une bonne performance énergétique contribue à ce que l’on appelle la valeur verte du bâtiment.
Pour les bureaux, même si la location reste possible, un bâtiment mal classé devient moins compétitif : image moins favorable pour les entreprises locataires, coûts plus élevés, baisse d’intérêt du marché.
Dans notre analyse de financement, nous examinons :
Les travaux nécessaires et leur échéance
La capacité du client à les réaliser
Ainsi que les autres risques liés au bien : inondation, isolation insuffisante, surchauffe...
Ces éléments sont déterminants, car la valeur future du bien constitue une garantie essentielle pour la banque. Une rénovation impossible ou non anticipée entraîne un risque financier, autant pour nous que pour le client.
Par devoir de conseil, nous évitons d’accompagner un client vers un investissement susceptible de devenir une “passoire thermique” afin de protéger la valeur de son patrimoine et la solidité de son projet.
Financements verts & attractivité des actifs durables
>> Les bâtiments performants énergétiquement bénéficient-ils de conditions de financement plus favorables ?
Oui et c’est assez mécanique.
Le prix du crédit dépend de plusieurs éléments : la qualité de l’emprunteur, le coût de la matière première (taux du marché actuel), la qualité du bien financé et la durée du financement.
Forcément, un actif à forte valeur environnementale a un risque plus faible pour la banque. Ce qui se traduit par des conditions de financement plus favorable.
Cette tendance va d’ailleurs s’accentuer. Plus les banques seront tenues de financer des projets verts, plus elles seront appétentes pour les dossiers performants sur le plan énergétique et environnemental.
A l’inverse, les biens “marrons”, mal classés, deviendront plus difficiles à financer. Il y a aura moins de concurrence entre banques, des risques plus élevés et donc des taux plus élevés.
>> Comment inciter les investisseurs à privilégier des projets immobiliers durables ?
Le principal levier n’est pas seulement le financement : c’est avant tout la valeur d’usage et la valeur d’image des bâtiments durables.
Un bien avec un bon DPE consomme moins d’énergie, ce qui réduit les charges pour les occupants. Un bâtiment labellisé ou certifié renvoie une image positive du propriétaire comme du locataire. Résultat : le bâtiment est plus attractif, se loue plus facilement et renforce la réputation de l’investisseur.
Le financement peut jouer un rôle, notamment via des taux plus favorables, mais l’incitation la plus forte reste la réduction des coûts d’exploitation et l’attractivité accrue du bien sur le marché.
Cadre réglementaire et positionnement stratégique
>> Comment la réglementation européenne influence-t-elle vos pratiques internes et votre offre de financement ?
La taxonomie européenne oriente fortement nos choix en matière d’investissement et de financement. Elle pousse les banques à mesurer la part des financements verts dans leur bilan, à se comparer et à se challenger, ce qui crée une dynamique vertueuse.
La réglementation incite l’ensemble du secteur à aller dans le bon sens environnemental. Elle nous oblige, par exemple, à renforcer la connaissance client, non seulement sur les critères financiers mais aussi sur les critères ESG. C’est également le cas pour l’épargne, nous devons désormais interroger les clients sur leurs attentes environnementales lorsqu’ils choisissent leurs placements.
D’autres textes, comme la CSRD, renforcent l’obligation de transparence et limitent les risques de greenwashing. Les banques doivent rendre des comptes de manière détaillées. Cependant, cette précision amène un défi : les informations deviennent souvent très techniques, difficilement lisibles pour le grand public.
Tout le monde ne sait pas, par exemple, que le scope 3 représente l’essentiel du bilan carbone d’une banque, ni comment interpréter les chiffres. Nous devons trouver un équilibre : rendre l’information accessible à tous sans la simplifier au point de la déformer, et sans laisser place à des communications trompeuses (greenwashing).
>> En quoi le Crédit Coopératif se distingue-t-il sur la place bancaire par son niveau d’engagement sur ces sujets ?
Le Crédit coopératif se distingue par une approche cohérente et complète des enjeux ESG.
A la fois, nous attachons une grande importance :
À l’environnement qui se traduit concrètement dans notre bilan avec une politique environnementale historique
Au social avec une part importante de l’activité dédiée à l’économie sociale et solidaire
A la gouvernance en faisant vivre notre modèle coopératif : être sociétaire ne signifie pas seulement détenir une part sociale, c’est être pleinement associé aux décisions. A ce titre, nous avons consulté nos sociétaires lors de la construction de notre plan stratégique.
Nous sommes une coopérative bancaire, pas simplement une banque coopérative.
>> Quel rôle les banques doivent-elles jouer dans la réussite de la transition énergétique du secteur de l’immobilier dans les années à venir ?
Les banques doivent apporter les financements nécessaires à la transition. Cependant le rôle d'agrégateur de solution ne se limite pas au crédit, les banques doivent créer un écosystème favorable pour que les clients se lancent dans leurs projets.
Les banques seront amenées à être plus regardantes dans les projets qu’elles financent. Cela peut sembler contraignant, mais c’est souvent bénéfique sur le long terme : mieux vaut qu’une banque alerte un client lorsqu’un bâtiment n’est pas le bon à acheter ou qu’un projet n’est pas viable.
Enfin, les banques doivent accompagner les clients à prendre les bonnes décisions dans un contexte économique difficile, où l’équation financière d’un projet de rénovation énergétique n’est pas toujours simple. Le retour sur investissement peut être long, les coûts élevés : les orienter devient donc essentiel.
Chacun a un pouvoir d’action
Chaque euro déposé dans une banque finance des projets.
Mieux connaître l’usage de son argent permet d’agir, y compris dans l’immobilier, l’un des secteurs clés de la transition énergétique.
Ce sujet ne concerne pas uniquement les gros épargnants : chacun peut orienter son épargne et ses financements vers des projets plus responsables.
Et plus les clients expriment cette volonté de soutenir des initiatives durables, plus les banques adaptent leurs offres et accélèrent la transition.
Chacun a un réel pouvoir d’action à travers l’usage de son épargne et de ses choix de financement.
EGREEN vous accompagne de A à Z sur le volet énergétique.


