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L’effet rebond ou l’illustration de l’impact du comportement sur la transition énergétique

Dernière mise à jour : 21 mai 2021


L’effet rebond, terme inventé par un économiste britannique en 1865, a un impact non négligeable dans l’efficacité des politiques d’investissement dans la transition énergétique en limitant ses effets. Mais qu’est-ce que l’effet rebond et comment réussir à diminuer son influence ?



Romain¹ l’avoue lui-même depuis qu’il a emménagé dans son nouveau logement BBC (Bâtiment Basse Consommation) en 2018, il a gagné en confort thermique.

« Dans mon ancien logement mal isolé, je faisais très attention aux factures d’énergie. Aujourd’hui même si je chauffe davantage mon logement, je paye beaucoup moins, donc je suis moins vigilant aux économies d’énergie je dois l’avouer ».

Romain résume à lui seul l’impact que peut avoir l’effet rebond sur la transition énergétique.


Le cas de l’Allemagne en est un autre exemple plus collectif. Après avoir investi 340 milliards depuis 2010 dans la rénovation énergétique de ses bâtiments, le constat est alarmant : les consommations n’ont pas baissé et stagnent à environ 130kWh/m2/an par foyer (alors qu’elles avaient baissé de 31% entre 1990 et 2010) !


Certes, les causes ne sont pas uniquement comportementales (elles sont d’ailleurs très bien expliquées dans un article du Monde ²). La GdW, la plus grande fédération allemande de sociétés immobilières, nous apprend que les résidents préfèrent chauffer à 22°C au lieu des 20°C préconisés. Quand on sait qu’en moyenne +1°C c’est 7% de consommation d’énergie en plus, on comprend vite le problème.



C’est quoi l’effet rebond ?


L’effet rebond, aussi appelé « paradoxe de Jevons » désigne un phénomène observé lorsque les économies d’énergie attendues avec l’utilisation d’une ressource ou technologie plus efficace énergétiquement ne sont pas obtenues, voire aboutissent à des sur-consommations, à cause d’une adaptation des comportements. Cet effet paradoxal des progrès en matière d’efficacité énergétique est observé pour les rénovations des logements et d’autres technologies censées réduire nos émissions de CO2 on le verra dans la suite.


A l’origine ce terme vient de l’économie et a été popularisé par William Stanley Jevons qui constate qu’après l’introduction de la machine à vapeur de James Watt au rendement plus efficace que la précédente, la consommation de charbon a fortement augmenté au lieu de diminuer. Pourquoi ? Les gains énergétiques et donc financiers de cette nouvelle machine à vapeur ont eu comme effet de généraliser son utilisation et donc d’accroître la consommation totale de charbon en Angleterre.


Exemples de l’effet rebond sur nos émissions de CO2


Dans le domaine de la lutte contre le réchauffement climatique et la réduction de nos émissions de CO2, les exemples sont nombreux malheureusement. Les comportements individuels et les nouveaux usages contribuent à une augmentation des émissions malgré les progrès technologiques.

Il y a d’abord les effets rebonds « directs », en voici quelques exemples :

L’amélioration des performances énergétiques des voitures n’a pas réduit la demande en carburant. Les automobilistes ont fait plus de kilomètres, plus de voitures ont été vendues et au final l’impact sur les émissions de CO2 de l’automobile n’a pas diminué.

De la même manière, l’arrivée des voitures autonomes est censée diminuer les embouteillages, améliorer l’éco-conduite, mais beaucoup prédisent ³ dans le même temps un allongement des distances parcourues pour aller au travail (la voiture devenant un 2e bureau) avec un étalement urbain plus important et donc des émissions de CO2 plus élevées. Sans parler de l’augmentation de l’empreinte du numérique avec l’intelligence embarquée, les systèmes de navigation et les divertissements digitaux des passagers...

Dans le domaine du numérique il y a aussi l’exemple de la 5G. Cette antenne est plus efficace énergétiquement que la 4G. Actuellement acheminer 1Go de data en 5G consomme deux fois moins d’énergie. Mais le déploiement de la 5G aura des conséquences sur les comportements avec des pratiques plus énergivores, une multiplication des usages, une augmentation du trafic et donc des consommations totales.

Il y a ensuite les effets rebonds « indirects » quand l’augmentation du pouvoir d’achat résultant de baisses des consommations provoque une hausse des émissions CO2 sur d’autres postes de dépenses. Par exemple le fait d’acheter une télévision plus grande grâce aux économies réalisées sur ses factures d’énergie après des travaux d’isolation ou d’en profiter pour s’offrir un petit week-end avec déplacement en avion.




Solutions pour diminuer l’effet rebond


Alors comment peut-on limiter l’effet rebond ? La problématique du changement de comportement est centrale ici et les réponses doivent être centrées sur des actions de sensibilisation aux usages éco-responsables.


Différentes solutions ont fait leur preuve dans ce domaine :


- faire de la pédagogie sur ces sujets et permettre d’avoir des feedbacks et retours d’information sur son comportement. En mettant en place du monitoring des consommations d’énergie avant et après travaux d’isolation par exemple. Cela permet d’intégrer l’occupant dans la démarche et de lui montrer l’impact de ses usages tout en contrôlant l’efficacité des travaux réalisés.



- déployer des nudges pour inciter aux comportements éco-responsables de manière simple et incitative. Différents nudges existent ou peuvent encore être imaginés dans le domaine du confort thermique et des consommations de chauffage pour limiter l’ouverture des fenêtres en plein hiver ou inciter à choisir une température de consigne à 20°C et la diminuer la nuit.

- lancer des actions ludiques et sociales au travers de challenges ou de serious-game pour faire adopter des nouveaux comportements de manière engageante et non culpabilisante. Lors du projet européen GreenPlay auquel EGREEN avait participé, nous avions par exemple mesuré des diminutions des températures intérieures en hiver dans les logements grâce au jeu MidowTopia déployé auprès de 160 logements.



Comprendre l’effet rebond et déployer des solutions de sensibilisation est donc nécessaire pour bénéficier des progrès d’efficacité énergétique en matière de réduction des émissions de CO2. L’effet rebond nous montre aussi que l’innovation technologique ne nous permettra pas de lutter efficacement contre le réchauffement climatique. Il est plus que jamais urgent d’investir dans le domaine des changements de comportement !

¹par soucis d’anonymat le prénom a été changé


A propos de l’auteur :



Jérémie JEAN est le fondateur de l’entreprise eGreen, société spécialisée dans la réduction de l'empreinte environnementale au travers de l’analyse des données de consommation et des sciences du comportement.

Après un diplôme d’ingénieur et un master en Ergonomie Cognitive, il s'est intéressé à la psychologie de la motivation et ses débouchés pour les réductions de consommation d’énergie notamment dans le cadre d'un stage à Berkeley (Etats-Unis).

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