Valeur verte et immobilier tertiaire
- eGreen

- 6 nov.
- 6 min de lecture
Comment la performance environnementale influence la valorisation immobilière ?

Nous avons récemment échangé avec Julie GIORNO, avocat spécialisé en droit public. Elle est notamment revenue sur la notion de valeur verte et comment cette notion est intégrée dans les stratégies d’investissement ou d’aménagement.
Voici un résumé de nos échanges :
Propos recueillis par Marion DUBOIS
Comprendre la notion de valeur verte
>> Comment définiriez-vous la valeur verte dans l'immobilier tertiaire ?
La valeur verte désigne l’écart de valeur qu’un immeuble présente en fonction de ses performances environnementales et énergétiques. Concrètement, un bâtiment économe, bien exploité et performant sur le plan environnemental bénéficie d’une meilleure valorisation, tandis qu’un bien peu performant subit une décote.
Les tendances observées sur le résidentiel sont parlantes : un logement classé A ou B peut se vendre jusqu’à 20 % plus cher qu’un bien classé D.
Pour le tertiaire, la logique reste la même : la performance énergétique et environnementale devient un critère central d’appréciation de la valeur d’un actif.
En résumé, la valeur verte, c’est un bonus quand le bâtiment présente de bons attributs environnementaux, et un malus lorsqu’il souffre de non-performance.
>> Existe-t-il une définition juridique de cette notion ?
Il n’existe pas de définition jurisprudentielle du terme valeur verte. Il s'agit plutôt d’un terme utilisé dans les études de marché et analyses immobilières pour estimer un bien au regard de ses performances environnementales.
En revanche, la réglementation française encadre de manière croissante les exigences environnementales concernant les bâtiments, notamment en matière de performance énergétique et d’émissions de gaz à effet de serre.
La loi Elan du 23 novembre 2018 ainsi que les dispositions du Code de la construction et de l’habitation imposent des règles spécifiques pour les bâtiments tertiaires visant à réduire la consommation d’énergie finale.
Ces exigences légales sont parfois ambitieuses et difficiles à atteindre pour les propriétaires. Mais elles traduisent une réalité : la performance énergétique devient un critère concret de valorisation ou de dévalorisation des actifs tertiaires.
>> Comment les réglementations récentes, notamment la taxonomie européenne, le décret tertiaire ou encore les obligations de reporting extra-financier, influencent-elles la valorisation verte des actifs immobiliers ?
Ces réglementations encadrent désormais la performance environnementale des bâtiments avec un impact direct sur leur valorisation.
Un bâtiment non conforme au Décret Tertiaire (soumis aux obligations de réduction des consommations d’énergie pour les surfaces >1 000 m²) sera perçu comme plus risqué pour l’acquisition ou la location : sa valeur peut baisser, ses loyers diminuer et les coûts de mise à niveau devenir un frein.
À l’inverse, un actif déjà performant ou doté d’une feuille de route claire démontrant les actions entreprises sera valorisé sur le marché notamment à une meilleure perception des risques et un accès facilité aux financements.
Au niveau européen, la taxonomie verte (règlement UE 2020/852) définit les activités économiques durables et alignées avec 6 objectifs environnementaux. Ce cadre favorise la transparence et l’orientation des capitaux vers des actifs alignés sur ces objectifs.
Enfin, la montée en puissance du reporting extra-financier (directive CSRD) renforce cette dynamique : les acteurs doivent démontrer leur contribution environnementale. Cela crée un double effet :
Valorisation accrue pour les bâtiments performants et bien gérés, avec un meilleur accès au financement et une attractivité renforcée auprès des locataires et investisseurs
Décote ou risque accru pour les bâtiments non conformes jugés obsolètes ou énergivores.
La performance environnementale devient un critère essentiel de valorisation des actifs immobiliers tertiaires reflétant à la fois des enjeux économiques et financiers majeurs.
Enjeux économiques et stratégiques
>> Concrètement, comment la conformité (ou non) aux critères environnementaux influence-t-elle la valeur d’un immeuble tertiaire, que ce soit à l’achat, à la vente ou à la location ?
A chaque étape du cycle de vie d’un actif, la performance environnementale jour un rôle déterminant :
À l’achat, un bâtiment déjà conforme et performant sur le plan environnemental attire les investisseurs.
À la vente, un actif “non vert” ou peu performant peut subir une décote significative : travaux obligatoires, loyers plus faibles, risque accru de vacance.
À la location, la tendance est similaire : un bâtiment vert bénéficie de loyers plus élevés et d’un taux d’occupation supérieur, tandis qu’un bien énergivore devient difficile à commercialiser.
Le financement n’échappe pas à cette logique. Les critères ESG sont de plus en plus intégrés dans l’évaluation du risque. Ainsi, la valeur verte devient un indicateur clé des risques et opportunités.
>> Comment vos clients intègrent-ils la valeur verte dans leurs stratégies d’investissement ou d’aménagement ?
Nos clients, aménageurs, foncières, marchands de biens ou encore promoteurs immobiliers intègrent la valeur verte comme un véritable levier stratégique à plusieurs niveaux d’activités :
Stratégie d’investissement : ils privilégient les actifs récents, rénovés ou déjà engagés dans la trajectoire fixée par le Décret Tertiaire. Pour les autres, ils mettent en place une feuille de route claire afin d’assurer la mise en conformité avec la réglementation et d'anticiper les futures obligations.
Gestion de portefeuille : les actifs sont segmentés selon leur performance environnementale, ce qui permet de planifier les travaux et de suivre les consommations via une plateforme de monitoring énergétique pour optimiser la valeur globale. Cet outil assure une vision fine des usages et favorise les économies d’énergie
Conception et aménagement : dès la phase de conception, les projets intègrent des systèmes de contrôle et d’automatisation (GTB pour répondre au décret BACS) ainsi que des capteurs permettant un pilotage en temps réel. L’objectif est d’assurer une performance durable dès la mise en service du bâtiment.
Communication et reporting : les clients valorisent leurs démarches en mettant en avant les certifications environnementales obtenues et l’alignement avec la taxonomie verte européenne, gage de transparence et d’attractivité pour les investisseurs.
>> Les critères environnementaux pèsent-ils désormais autant pour eux que les critères de localisation ou de rendement ?
L’emplacement et le rendement immédiat restent des critères majeurs, mais la performance environnementale prend une place croissante dans l’analyse de la valeur d’un actif.
Les foncières et investisseurs considère aujourd’hui la performance environnementale comme une valeur clé de compétitivité.
>> Comment les promoteurs et les exploitants peuvent-ils collaborer pour maintenir la performance environnementale des bâtiments sur la durée ?
La collaboration se joue dès la conception : intégrer des objectifs de performance énergétique et choisir des équipements adaptés pour favoriser un cercle vertueux.
Des contrats de performances énergétiques (CPE) ou des accords d’exploitation pour fixer des objectifs mesurables peuvent formaliser ces engagements. Le suivi des consommations via des systèmes de pilotage et de monitoring énergétique permet d’anticiper les dérives et de planifier des travaux de rénovation avant qu’ils ne soient coûteux.
La maintenance préventive et le recours au bail vert, qui favorise le partage de données entre bailleur et locataire, sont également des leviers efficaces pour garantir une exploitation responsable.
Evolutions
>> Voyez-vous apparaître de nouveaux types de clauses ou de garanties autour de la performance environnementale dans les contrats ?
Oui clairement. On observe aujourd’hui la généralisation de clauses spécifiques liées à la performance environnementale dans les contrats immobiliers tertiaires.
Certaines prévoient des seuils de performance énergétique minimaux, d’autres des garanties de performance : si les objectifs fixés ne sont pas atteints, des mécanismes d’ajustement ou de compensation peuvent être déclenchés.
Ces engagements s’accompagnent fréquemment d’obligations de reporting et de suivi des consommations pour assurer une transparence continue.
La performance environnementale est désormais pleinement contractualisée, reflet d’un marché qui se structure autour de la durabilité.
>> Comment voyez-vous évoluer la notion de valeur verte dans les prochaines années ?
La valeur verte est appelée à devenir un standard incontournable dans l’évaluation des actifs tertiaires, au même titre que la localisation ou le rendement.
L’écart de valorisation entre les bâtiments performants et les bâtiments non conformes va continuer de s’accentuer, sous l'effet des obligations réglementaires croissantes, la pression des investisseurs et du renforcement du reporting extra-financier.
Les actifs peu performants seront de plus en plus perçus comme des risques “bruns” : vacances locatives, charges élevées, coûts de travaux importants, obsolescence réglementaire.
Parallèlement, la valeur verte va s’élargir au-delà de la seule dimension énergétique. Les critères ESG, incluant la gestion de l’eau, la biodiversité ou encore le bien-être des occupants, deviendront de plus en plus intégrés aux politiques d’évaluation et d’investissement, notamment sous l’effet de la taxonomie européenne et des exigences accrues de reporting extra-financier.
Ces obligations de transparence vont progressivement concerner un nombre croissant d’entreprises, bien au-delà des grands groupes cotés. À terme, il deviendra impensable d’évaluer ou d’acquérir un bien immobilier sans tenir compte de ses performances environnementales, un changement profond qui redéfinit durablement la valeur même des actifs immobiliers.
En savoir plus sur Julie GIORNO
Depuis 15 ans, Julie Giorno conseille les opérateurs privés qui répondent aux appels d’offres publics.
Spécialiste reconnue de la commande publique et de l’urbanisme, Julie Giorno rend la
commande publique accessible aux PME, avec pour ambition de former les chefs d'entreprises à la réponse aux contrats publics, assurer un conseil juridique ciblé, intervenir en cas de contentieux.
Sa démarche consiste à sécuriser les projets dès leur conception, en analysant les risques juridiques et financiers liés à un appel d’offres ou en réalisant par exemple des audits de permis de construire.
Implanté dans le département du Val de Marne (94) et dans l’Essonne (91), le Cabinet conseille et assiste ses clients sur l’ensemble du territoire : Métropole et DROM-COM.
Le Cabinet intervient également en droit de l’urbanisme, sur des problématiques d’aménagement du territoire.
EGREEN vous accompagne de A à Z sur le volet énergétique.


